La publication de l’incroyable manuscrit trouvé de Camille Fabre (arrière-grand-père de l'éditrice) donna lieu au tournage de documentaires à Ussel, Bugeat, Saint-Angeau, Les Ternes, Riom, Saint-Amand-Montrond,
Série historique et sociale "Camille Fabre". Épisode1 : reconstitution
Présentation du livre
Après la découverte du manuscrit autobiographique d'un certain
Camille Fabre, trois aventuriers et une éditrice s'élancent sur les traces de
l'auteur. Créa-doc des éditions de Champtin.
1874-1914 : première partie du roman
Le 13 mai 1944, Camille Fabre achève,
date et signe son manuscrit. S’il le signe Albert Loufabro, « c’est qu’il ne
faudrait pas deux Fabre » ; l’autre, c’est Henri, son frère cadet, qui
deviendra l’illustre fondateur des Hommes
du Jour, des Hommes du Peuple et de la Corrèze
Républicaine et Socialiste.
Mais Loufabro nous prévient. Corrézien
né à Ussel en 1874, il n’a longtemps connu qu’un prénom : « Albert », qu’il
aurait tenu du père adoptif de sa mère, un prêtre. Ce dernier, qui s’était
promis de l’éduquer et d’en faire un curé, décéda avant que l’enfant ne soit en
âge de quitter le giron maternel. Cette séparation d’avec sa mère s’effectuera
plus tard, dans des conditions sordides — lot des miséreux — que Camille ne
pardonnera pas à la société bourgeoise capitaliste.
La première période du livre couvre
l’enfance, le noviciat, l’expérience sociale, l’armée, l’engagement libertaire
de Camille, la chine, la reprise individuelle, la prison. C’est un récit, une
œuvre en soi, « où l’invention n’a aucune part ». Camille précise qu’il faut
revivre un évènement pour bien l’écrire. C’est dans un climat teinté d’un
jésuitisme fort en conditionnement que Camille voit poindre en lui, très jeune,
l’exigence de comprendre l’homme et les injustices qui l’affectent. C’est ce
qui le sauve pour l’humanité et le perd pour la société. Ses jours ont-ils été
rythmés par la confession ? C’est sur ce mode qu’il construit son récit, sans
tabou. De la vie communautaire « confortable », il retient, bénéfique, la
notion de « frère » et de partage. Il ne haïra point les hommes mais les
conditionnements.
Sa première intention est d’écrire un
roman édifiant « la jeunesse sur les erreurs à ne pas commettre lorsque l’on
découvre l’injustice et les iniquités sociales », mais l’écriture s’élabore
finalement en deux temps, recouvrant deux périodes de l’existence de l’auteur.
Deux projets d’écriture, distincts, se succèdent.
Lorsque Camille, ne pouvant dominer sa
sexualité, rompt avec la soutane, il rejoint sa mère (qui subvient à la pension
d’une petite Jeanne) et Riri, à Paris. Dès lors, ce cher Henri devient sa «
bonne étoile ». Dans la dureté de la vie parisienne, Camille entend l’éclat des
bombes des anarchistes. Sa colère envers sa condition sociale trouve un écho
qui fait naître en lui l’espoir d’une fraternité humaine qui se révolte. Il en
sera, encore faut-il en trouver le chemin. Le jeune homme n’a aucun bagage.
Professionnellement, ses expériences humiliantes d’homme de maison ne l’ont
conduit qu’à découvrir l’impitoyable bourgeoisie. Les deux frères perdent leur
mère et, chômeurs, décident de cheminer à pied à travers la France. Pour
survivre, ils usent de la « chine ». D’autres vagabonds les y initient. Camille
a hâte d’atteindre l’âge de s’engager à l’armée. C’est affamé qu’il y parvient…
Sa tentative échoue : l’armée le rebute vite par ses procédés brutaux.
Mais voilà qu’il rencontre l’anarchie
sous les traits de Sébastien Faure, venu à Toulon pour y donner trois
conférences ; elles illuminent le pioupiou. Il apprend à théoriser. Découvrant
à l’armée sa capacité physique à endurer des épreuves, il parvient à se faire
réformer.
Ni les Jésuites, ni les drapeaux ne
l’auront retenu. À Toulon, Camille s’est fait des amis, anarchistes évidemment
; il connaît des réseaux… Retrouvant Henri et la liberté, il reprend la chine,
convertit son frère à la manière libertaire de concevoir la vie, poursuit son
militantisme. Bientôt, Libertad l’accueille chez lui et même lui ouvre la
possibilité du métier de correcteur et d’une vie plus sédentaire. Mais
l’impétueux Camille rate ce qui aurait pu décider autrement de sa vie.
À nouveau, la chine, donc, la révolte
bien sûr… puis un faux pas — avec un compagnon adepte de la reprise
individuelle — dans une église, celle de Bugeat ; puis les prisons. La
première le ramène à Ussel ; il connaîtra celles de Riom et de Thouars. La
sentence est sévère : dix années de réclusion. Nous sommes en mars 1900.
Camille accomplit six années bien tassées de détention avant la libération
conditionnelle. La description, intelligente et minutieuse, qu’il fait de ses enfermements est édifiante.
Le 27 décembre 1906, Camille est libéré
; mais ses déplacements sont limités par une lourde interdiction de séjour. Il
élit la Meurthe-et-Moselle avec le projet d’y établir une communauté agricole.
Notre homme bâtit sa maison à proximité d’une forêt et s’y installe avec Louise,
dont il attend rapidement un enfant. Tentant de se sédentariser, il devient
négociant en vin à Neuves-Maisons, avec un appui matériel de son frère.
1914-1944 : Deuxième partie du livre
« Sache donc qu’avec les quelques pages
qui vont clore ce chapitre, tu pourras considérer comme achevé ce que je
m’étais proposé de te dire dans un livre que j’aurais publié probablement vers
1916 ou 1917, sans le conflit guerrier qui en décida autrement. » Ici prend fin le premier projet du
livre. « Ce qui
suivra constitue le livre d’un homme qui cherche, et trouve pour sa conscience,
des consolidations et des clartés nouvelles. »
Ce qui suit, c’est avant tout la guerre.
Camille opte pour combattre, remettant à plus tard l’action politique de
terrain. Grièvement blessé en 1916, lors d’un cours d’instruction — borgne,
manchot, demi-sourd, soit grand mutilé — l’homme doit continuer d’assurer la
subsistance de son épouse et de ses deux enfants. Henri le sauve encore, lui
proposant d’être l’administrateur et le comptable du Journal du Peuple, tâches auxquelles s’ajoute celle de
répondre au courrier des lecteurs en matière juridique, spécialisation : les
dommages de guerre.
Grâce au Dalloz qu’il explore en
autodidacte, il devient juriste et fonde sa propre affaire : « L’entr’aide
juridique ». Quand il se sépare du Journal du Peuple, il embrasse le marxisme et fonde l’Almanach du Peuple, 1917-1922. La fin du manuscrit s’avère
souvent théorique, chargée d’une intention pédagogique.
Avec la deuxième Guerre, fuyant Étampes, Camille se réfugie à Falaise.
Meurtri, fébrile, il décrypte les causes de la catastrophe mondiale. Il
observe, analyse et relie ce qu’il découvre et vit. Le conflit guerrier a été
suscité par les impérialismes capitalistes, en réponse à la menace que
constitue l’Union soviétique. Mais dès lors que cette jeune puissance
révolutionnaire prouve sa détermination à anéantir l’ennemi commun — le
fascisme —, il ne fait aucun doute, pour l’auteur, que le communisme marque une
avancée exemplaire pour l’humanité, que n’auront qu’à suivre les démocraties,
notamment la française, déjà illustre par sa combativité en matière sociale.